mercredi, juillet 20, 2005

FÉES, part 1 of 4

Bon voilà ma dernière nouvelle, écrite en Avignon, tous les matins parceque j'étais le seul à me lever à 10h, et qu'il fallait attendre au moins 2h30 pour que quelqu'un me prouvât qu'il vivait encore. Comme elle est assez longue (7 chapitres) je vous la livre en petis bouts. La première session sera le premier chapitre (le plus long), les autres viendront deux par deux. Enjoy.




L’écran blanc luisait magistralement, éclairant faiblement la pièce.
Jeanne le regardait, elle, avec intensité. Ses doigts étaient en suspension au dessus du clavier, comme si les mots allaient surgir d’un instant à l’autre. Comme s’ils étaient là, quelque part dans son cerveau, et qu’il ne leur suffisait que d’emprunter la bonne terminologie nerveuse pour venir agiter ses doigts. Mais en vérité, ces mots n’y étaient pas. Ni dans son cerveau, ni ailleurs. Et l’écran blanc continuait imperturbablement de dominer la scène. Jeanne le fixait si intensément que ça en devenait hypnotique. Si elle posait ses yeux ailleurs, elle revoyait la lueur fantomatique de son écran. C’était presque si elle distinguait le curseur clignotant en haut à gauche.
Pour la sixième fois, elle décida de faire une pause. Elle ouvrit en grand les stores, ce qui baigna la pièce d’une lumière matinale. La lueur blafarde du Macintosh faisait à présent pâle figure. C’était une petite vengeance pour Jeanne. Petite car elle ne savait que trop bien qu’elle serait de courte durée. Elle ouvrit la fenêtre et alluma une cigarette. Elle entendit Toby aboyer. Enfin, hier c’était Toby, allez savoir son nom aujourd’hui…
Elle attrapa distraitement une pile de pages dactylographiées à côté d’elle. Elles étaient striées de rouge à la faveur des ratures et autres rajouts. Elle relut la fin de son dernier paragraphe.

Sylvio s’approcha nonchalamment de Victoria.
Elle était face à la véranda et regardait le paysage côtier, rêveuse. Le sentant arriver derrière elle, elle lui coupa la parole avant même qu’il n’ai pu finir son premier mot :
« J’ai fait une terrible erreur, Sylvio.
- Ne regrettez rien, Victoria. Votre mari est mort, de la main même du tueur qu’il avait envoyé vous exécuter, vous. Mais jamais je n’aurai pu, nous…
- Sylvio, nous n’aurions jamais du…. Je ne vous ai pas tout dit. »
Le visage de l’homme se figea. Il s’assit sur le lit comme au ralenti et tenta de rester impassible en écoutant les aveux de Victoria.


C’était mauvais et elle le savait. Mais ça se vendait. Très bien même. Ce n’était ni plus ni moins que des histoires à l’eau de rose, avec une dose d’intrigues vaguement alambiquées qui, globalement, restaient les mêmes un roman sur l’autre. Seul le contexte variait.
Mais la médiocrité était semble-t-il populaire. Chacun de ses romans explosait littéralement les ventes, surtout l’été. Elle ne serait jamais invitée sur un plateau de télévision pour en parler, et cela lui convenait.
Mais voilà, au bout d’une soixantaine de ses récits, l’inspiration, bien que se limitant au choix du nom et de la profession des protagonistes, commençait à manquer. Et puis il y avait l’autre projet. Celui qu’elle avait négocié avec son éditeur. Elle voulait écrire autre chose, avant tout pour se prouver à elle-même qu’elle en était capable. On lui avait promis de l’éditer si elle rendait en même temps un autre de ses écrits mielleux.
Alors elle avait déménagé. Ici, à Port-Mauguère, près de Plouha, en Bretagne. Tout d’abord pour fuir Paris, puis car elle se figurait qu’une telle région ne pouvait que l’inspirer.
Or voilà, rien ne venait. Et comble de tout, non seulement son projet si ambitieux n’avait guère dépassé le stade de « germe d’idée », mais maintenant c’était son Passion Trouble qui refusait de s’écrire.
Elle tira à nouveau sur sa cigarette et chercha Romain des yeux dans le jardin. Elle ne le voyait pas mais l’entendait. Il devait être encore au fond, derrière les haies. Ça commençait à l’agacer un peu.
C’était pour lui qu’elle avait acheté une si grande maison. Elle voulait qu’il puisse jouer dans un grand jardin, au plein air. Qu’il profite de ses vacances d’été. De plus, ils étaient à deux pas de la mer. Elle n’avait pas encore pu y emmener Romain depuis qu’ils étaient arrivés, il y a un mois de ça, et elle le regrettait un peu au vu de l’impatience de l’enfant. Mais le livre passait avant tout.
Pensant qu’il se sentirait très seul, vu qu’il laissait tous ses amis à Paris et que la rentrée des classes n’arriverait que dans plus d’un mois, elle lui avait acheté un chien. Elle se disait que c’était là un compagnon idéal pour un garçon de onze ans.
Elle avait pris un labrador à l’animalerie, le vendeur lui ayant assuré que celui-ci était très joueur. Pour ça, joueur, il l’était. Mais malgré tous les encouragements, sifflets, claquement de mains et époumonements de Romain, l’animal préférait jouer seul. Il aboyait en sautant partout, courait d’un bout à l’autre du jardin, essayait de se mordre la queue en tournant sur lui-même à toute vitesse, mais ne faisait que très peu cas de son jeune maître. Romain tentait de l’appeler pour qu’il vienne à lui, et cherchait les noms auxquels le chien réagissait le mieux. Avant-hier c’était Fluke, hier c’était Toby.
Jeanne écrasa son mégot dans le cendrier et retourna devant son écran immaculé. Habituellement, elle aimait à se plonger dans le noir pour écrire, mais ne se donna pas la peine de fermer les stores, imaginant avec justesse que cela ne changerait pas grand-chose.
Une demi-heure et trois débuts de phrase éffacés plus tard, Romain fit irruption dans la pièce.
« Maman, j’ai soif.
- Va te servir ce que tu veux dans le frigo ».
Elle entendit les pas précipités de son fils vers la cuisine.
« Qu’est-ce que tu fais dehors, demanda-t-elle en haussant la voix.
- Mmmh, répondit Romain, indiquant qu’il réservait sa réponse une fois qu’il aurait fini de boire. Je joue avec les fées ».
Jeanne leva les yeux au ciel. C’est vrai. Les fées…
Au bout d’une semaine ici, Romain et sa mère firent une découverte. Au fond du jardin se trouvait une petite forêt, derrière les haies délimitant sa propriété. Par forêt, il fallait entendre un regroupement d’une dizaine d’arbres et de quelques buissons. Mais ils étaient suffisants pour cacher la fontaine.
En effet, là, derrière chez elle, juste à l’orée de ce petit bois se dressait une fontaine druidique. Jeanne avait lu que les mages de l’antiquité s’en servaient à des fins curatives. Il s’agissait d’un petit bout de mur en pierre sur lequel était fixé ce que Romain avait qualifié de « sorte d’évier en cailloux ». Les druides le remplissaient de l’eau d’un ruisseau qui devait alors passer dans les environs, et après prières, incantations et ajouts de divers ingrédients mystérieux, en tiraient une eau miraculeuse qui pouvait guérir ou donner des visions prophétiques.
La fontaine en question ne contenait bien évidemment plus une goutte d’eau. Même quand il pleuvait (ce qui arrivait assez souvent par ici) les branches des arbres empêchaient l’ondée de remplir le vasque. Contrairement à ce que Jeanne aurait pu s’imaginer, il n’y avait aucun motif celtique ou mystique. Mais c’était justement dans sa simplicité que la fontaine se trouvait être étonnamment belle.
La jeune romancière aurait du signaler ce petit monument oublié à la mairie, mais, manifestement comme le précédent propriétaire l’avait fait, elle préféra taire son existence. Elle ne voulait pas vraiment rajouter son jardin au circuit touristique de la région et voir débarquer des dizaines de badauds chez elle.
Romain se révélait donc être le seul visiteur régulier de l’étrange édifice. Et voilà que l’enfant se figurait qu’il y avait là-bas de petites fées avec lesquelles il pouvait converser et jouer.
Ça ne dérangeait pas tellement Jeanne en vérité; son enfant développait son imaginaire et c’était certainement une bonne chose. Elle aurait simplement préféré qu’il s’amusât avec des soldats ou des super-héros…
« Tu as ramené l’assiette, demanda Jeanne.
- O-oui, répondit-il avec le ton de celui qui vient de se souvenir d’un détail, et qui va l’exécuter dans la seconde ».
L’enfant quitta la maison en courant, et revint avec de la vaisselle. Jeanne soupira. La nouvelle fantaisie de Romain était d’emmener à la fontaine tous les soirs un plat contenant un biscuit au beurre et un petit bol de jus d’orange. Le lendemain, il allait le chercher (elle y allait parfois quand il oubliait) et jetait les aliments, bien entendu intacts. Quand elle le faisait remarquer, il lui répondait « qu’on ne savait jamais ». Comme ce n’était pas bien méchant, et qu’elle s’en voulait de l’avoir ainsi arraché à son ancienne vie, elle ne lui disait rien.
Romain sortit à nouveau dans le jardin et entreprit de jouer avec le labrador, qui à sa vue partit un peu plus loin et l’ignora.
Jeanne, elle, retourna à son clavier et soupira.
Que pouvait bien avouer Victoria ?...

16 commentaires:

Benito a dit…

j'attends la suite. voilà. t'es content! merde à la fin! faut arrêter ces histoires découpées par morceaux.

Li a dit…

La suite! La suite!

ced a dit…

le but de faire des nouvelles en épisodes trouve son intérêt dans le fait que vous vous demandiez ce qu'il va se passer...
Alors d'après vous, que va-t-il se passer ensuite ?
- Rien, on va suivre l'histoire de cette famille sans aucun accroc jusqu'à l'adolescence du gamin
- Le chien va se faire écraser puis sera enterré dans un cimetière indien pour ressuciter
- Jeanne et Romain se rendent compte qu'ils sont en Bretagne et font ce que n'importe quelle autre personne saine d'esprit ferait : déménager
- Ils font un twister

Choisissez bien...

Benito a dit…

ils se beurrent au chuchen et mange des huitres en regardant des helicopteres de la marine! ça c'est une histoire! (bon, ok, je te laisse faire...)

Li a dit…

D'abord c'est impossible que Jeanne et Romain aient envi de déménager. Arrétez avec cette hostilité envers la Bretagne et les Bretons, nous sommes très acceuillant et c très agréable de vivre sur nos terres. C'est d'ailleurs pourquoi de nombreuses personnes y viennent en vacances, des personnes de qualité (ta Tilde entre autre...).
Pour la suite de l'histoire je pense que Jeanne va emmener Romain à st Malo, cité corsaire pour qu'il puisse s'amuser dans les rampars et s'acheter un joli pull marin. Ensuite ils se baigneront dans la manche, c froid mais c bon, o moins y'a des vagues. Puis ils visiteront le grand aquarium (avec des requins à l'intérieur)et iront diner dans une crêperie. Voilà qui fera une journée bien remplie, Romain sera épuisé il ira se coucher directement en rentrant à la maison.

ced a dit…

Combien te paye l'office du tourisme ?

Li a dit…

Je ne suis pas payé, c simplement mon coeur qui parle.

ced a dit…

Combien il est payé ?

Li a dit…

il n'est pas payé non plus, j'aime ma région c tout!!! Et je vois que mon idée de tente, je t'attend donc en Bretagne pour t'emmener à st Malo(et ses alentours), après ça tu pourras plus nous quitter (et y'aura pas besoin de te payer)

Yvze a dit…

Il va pleuvoir, Jeanne va revêtir un habit traditionnel ridicule en faisant un patchwork et en écoutant Alan Stivel et Romain va confectionner des fromages odorant à partir de la brebis qu'ils ont acheté au marché équitable.
Le bus de Tryö et Sinsemilia apercevant la lumière de la ferme qu'ils squattent vont essayer de les rejoindre mais les routes détrempées les feront déraper et leur Van VW finira par s'ecraser dans le pétrolier échoué à Pasdeveinelesmek, ce qui provoquera un gigantesque icendie qui tuera JEanne et Romain, ne laissant qu'un tas de cendres sentant le patchouli.



Hmmm, ca serait bien .

ced a dit…

C'était le post qui m'a fait le plus rire depuis la création de ce blog ^^

Vinnie a dit…

Et Victoria va avouer qu'elle est bretonne.

Anonyme a dit…

Bon alors cherchons un peu d'où peut venir cette antipathie plus ou moins présente pour la Bretagne et ses habitants.

J'ai plusieurs hypothèses mais la plus probable est celle d'un traumatisme subit lors d'un séjour en Bretagne durant l'enfance.

Alors pour ce qui est du traumatisme vous avez le choix:
- piétinement par les danseurs d'un bagad lors d'un An Dro au festival interceltique de Lorient
- étouffement lors de l'absorption d'une galette complète ou bien en dégustant une bolée de Loïc
- pilonnage par des mouettes sur les remparts de Saint-Malo
- asphyxie pour cause de coinçage de tête lors de l'enlèvement d'une veste tribord
- perte d'audition ponctuelle due à une trop grande proximité avec un biniou en action
- noyade pour cause de trop grandes averses en plein mois de juillet
- syncope sur une plage quelconque à cause des algues vertes.

Voila je crois qu'on a fait le tour...











.... des clichés.....


No

ced a dit…

elle est forte aussi la soeur de Li, hein ?

Anonyme a dit…

Et oui!! Il faut bien que quelqun continu à défendre la Bretagne en l'absence de Li (qui est partie aux Vieilles Charrues, festival Breton au combien magnifique (non mais c'est vrai et les Bretons ne sont pas du tout chauvins non plus) et je pense être la seule en mesure de remplir cette tâche... enfin... je pense surtout être seule qui accepte de remplir cette tâche...

No

Anonyme a dit…

Bof, fait pas moche en Bretagne...
En temps que Nordiste actuellement à Brest...
Depuis 2 mois, pas trouver qu'il pleuvais beaucoup... le climat est juste legerement vivifiant...
Et puis aumoin tu arrive a bouger en été, tu sue pas comme un taré et tu fait pas la sieste la moitier de la journé...